Événement des LDS le 14 novembre 2024 Discours d'ouverture de Philippe Besset, Président des LDS Madame la ministre de la Santé et de l’accès aux soins, Monsieur le rapporteur général du budget de la Sécurité sociale, Madame la Première secrétaire de la fédération parisienne du Parti Socialiste, Monsieur le Directeur général de la Caisse nationale de l'Assurance maladie Monsieur le Président de France Assos Santé Monsieur le Past- Directeur général de la Caisse nationale de l'Assurance maladie Madame la Directrice du développement des assurances mutualistes à la Mutualité française, Mesdames et Messieurs les Présidents des syndicats membres des LDS Mesdames et Messieurs les représentants d’Interfimo, de la Médicale, de la MACSF et de PAYMED, Je remercie chacune et chacun d’entre vous de votre présence, malgré des agendas que je sais chargés. Et nous sommes heureux de vous recevoir ici chez les LDS, pour la première fois. Notre jeune intersyndicale se veut force de proposition et d’innovation du système de santé, organisation majoritaire des praticiens libéraux, nous avons à cœur de faire vivre la démocratie sanitaire avec toutes les bonnes volontés comme le montre notre direction de l’UNPS depuis maintenant 2 ans. C’est avec un profond sentiment de responsabilité que je prends la parole aujourd’hui pour ouvrir cet après-midi de réflexion et de débats organisé par les Libéraux de Santé. La dissolution n’a pas permis de dégager une majorité politique, et le socle commun formé autour du Premier ministre peine à s’affirmer dans une assemblée nationale éclatée. Cette situation inédite dans la Vème République coïncide avec le retour des incertitudes économiques et des plans sociaux dans un contexte d’aggravation brutale des déficits publics. Les tensions sur le budget de la Sécurité sociale n'ont jamais été aussi vives, avec un déficit de l’assurance maladie qui appelle une mobilisation exceptionnelle de tous les acteurs de la santé. C’est ensemble, et pas les uns contre les autres, qu’il nous appartient de construire les réponses pertinentes aux défis posés à notre système de santé pour assurer une réponse solidaire et économiquement soutenable à tous les Français. Et il y a urgence à agir. la Santé figurait dans les trois priorités des Français lors de la dernière présidentielle et des législatives qui ont suivi la dissolution. Les Français ont exprimé des inquiétudes légitimes sur l'accès aux soins, que ce soit dans nos territoires ruraux ou dans certains quartiers urbains. La santé reste la première préoccupation des Français, un récent sondage IPSOS pour le CESE l’a confirmé. *** La démographie médicale reste un défi majeur, avec des disparités territoriales qui s'accentuent. Les professionnels de santé, qu'ils exercent en ville ou à l'hôpital, sont confrontés à des conditions d'exercice de plus en plus difficiles, professionnellement et humainement. Cette conjoncture particulière exerce une pression considérable sur la structure de notre système de santé, déjà fragilisée par les crises successives que nous avons traversées. Malgré cette situation complexe et parfois anxiogène, les Libéraux de santé portent la conviction qu’il est possible d’inverser le cours de la dégradation de notre système de santé. Des actions audacieuses, cohérentes et collectives nous permettront de construire un système innovant, plus efficace et solidaire. Car c’est bien dans l’action que réside notre philosophie : proposer et construire pour agir. C’est ce que nous avons déjà fait avec notre proposition de loi sur la santé, nos travaux menés en collaboration avec les complémentaires, et nos initiatives sur la transformation des métiers et la réorganisation des soins, notamment avec l’ESCAP. Le récent appel du Premier Ministre à un « renouveau du dialogue social » témoigne de la volonté du gouvernement de renouer avec les partenaires sociaux. Cet appel est une invitation directe à toutes les organisations représentatives des professionnels libéraux de santé à participer activement et de manière constructive à un dialogue élargi, transparent et orienté vers des solutions pertinentes, efficientes et durables. Il ne s’agit pas seulement de répondre à une demande politique, mais d’apporter des réponses concrètes aux attentes des Français, qui placent leur confiance en nous. Nous sommes prêts à nous engager dans une « relation exigeante et constructive » avec l’État et l’Assurance Maladie, une relation qui repose sur un pacte conventionnel équilibré, garant de la stabilité et de la pérennité de notre système de soins. Nous avons fait des propositions dans ce sens, que vous avez sans aucun doute trouvées sur votre bureau à votre arrivée au ministère de la Santé. Ces propositions de modernisation du pacte conventionnel visent à rééquilibrer les voies et moyens de la négociation, afin qu’être conventionné ne soit pas un fardeau ou un boulet, mais un deal consenti et positif : pour les professionnels de santé libéraux, pour les patients au service desquels le système de santé est construit, et pour une utilisation plus efficace des ressources humaines et financières. Le projet que nous portons vise à resserrer le cycle des négociations, à rééquilibrer les instances de décision et à clarifier la représentativité des organisations syndicales. Je tiens à souligner que l’Union Nationale des Professions de Santé (UNPS) a intégré nos propositions et les a retravaillées en concertation avec l’ensemble des syndicats représentatifs avec une large majorité de près de 80%. Contrairement à ce que certains ont mal compris ou déjà oublié, il ne s’agit nullement d’en remettre en cause la dimension démocratique. D’ailleurs, le consensus est total sur la nécessité de faire évoluer ces modalités et plusieurs scénarios sont sur la table avec comme leitmotiv la proximité, la plus petite circonscription de chaque convention. Notre objectif est simple mais crucial : renforcer la légitimité et l’efficacité des syndicats afin qu’ils aient les moyens d’être des interlocuteurs incontestables en capacité de passer des accords et de les appliquer. A cet égard, c’est une de voies de rééquilibrage du système conventionnel que nous appelons de nos veux. Comme vous vous en doutez, Madame la ministre, je m’apprête à évoquer le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS). *** Madame la Ministre, vous avez récemment rappelé que « chacun doit prendre sa part pour freiner les dépenses de santé ». C’est une nécessité à laquelle nous souscrivons pleinement aux LDS, mais sous certaines conditions : La première condition, c’est le respect de cette forme spécifique du dialogue social que constitue la négociation conventionnelle. Malheureusement, et nous le déplorons vivement, le PLFSS contient plusieurs mesures qui vont au rebours des annonces du Premier Ministre. Je n’en citerai que deux : Imposer aux biologistes et aux radiologues une négociation expéditive pour avaliser des baisses de tarifs sous la menace qu’en cas de refus, elles leur seront in fine imposées unilatéralement par la CNAM, n’est pas acceptable. Ce n’est en rien l’esprit du système conventionnel. Les LDS soutiennent les biologistes et les radiologues dans ce combat. Il est encore temps de revenir sur cette mesure ressortie des cartons après avoir été abandonnée – précisément pour restaurer une relation de confiance entre les partenaires conventionnels. Créer de nouvelles contraintes administratives destinées à freiner les dépenses de produits de santé, constitue là encore une atteinte à la négociation conventionnelle. Complexifier n’a jamais été une politique conventionnelle de maîtrise médicalisée de la dépense. C’est du gâchis de temps médical, et du gâchis de ressources dont on voit sans peine l’absurdité au moment où les pouvoirs publics mettent des moyens sur la table pour libérer du temps soignant. La deuxième condition au consentement des professionnels à l’effort collectif, repose sur la garantie d’application des accords conventionnels signés, sans retard ni remise en cause des enveloppes budgétaires allouées. La confiance entre les acteurs dépend de la transparence et du respect des engagements pris. Vous avez pris soin dans le PLFSS de flécher 1,6 Milliards d’Euros pour l’application de ces accords, et cela doit être souligné. La troisième condition, c’est la pertinence des soins. En la matière les soins de ville libéraux et les parcours de soins réalisés en ville ont démontré leur efficience. C’est d’ailleurs tous le sens du virage ambulatoire. Mais encore faut-il aller au bout de la démarche. L’augmentation des prises en charges en ville doit être reconnue et saluée comme un succès du virage ambulatoire ou domiciliaire voulu par la Stratégie Nationale de Santé. Pas comme une hausse des volumes et dépenses de soins de ville décorrélée trop souvent stigmatisée. La pertinence c’est aussi l’évaluation. Il faut aussi évaluer de manière rigoureuse et transparente, mais aussi en termes de services rendus à la population, la pertinence de certains dispositifs comme les Maisons de Santé Pluridisciplinaires (MSP), les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS), les Services d'Accès aux Soins (SAS) et d’autres mesures prévues par l’article 51. Il est fondamental d’analyser ces structures, financées par des subventions publiques, pour déterminer celles qui méritent un soutien accru et celles qui doivent être re-positionnées, voire éliminées en cas de doublons ou d’efficacité insuffisante. Mon propos n’est pas de jeter l’anathème sur tel ou tel outil, mais de se donner les moyens de mieux soutenir ce qui fonctionne vraiment. Et j’ai cru comprendre, à travers les propos du Premier Ministre, que c’était aussi la philosophie du gouvernement. Cette démarche d’évaluation doit précéder les négociations interprofessionnelles que vous appelez de vos vœux. Enfin, chacun ici parmi les 10 syndicats représentatifs membres des LDS, a apporté sa pierre à la fondation de notre système de santé reposant sur un modèle assurantiel et solidaire. Nous sommes profondément attachés au système conventionnel qui a permis de solvabiliser l’accès aux soins des patients, d’améliorer la santé publique des Français et de prolonger l’espérance de vie en bonne santé sur la deuxième partie du XXème siècle. La nouvelle étape à construire ensemble tient dans la prévention, pour transformer à terme l’assurance maladie en assurance santé. Et c’est par les politiques d’incitation des patients que ces objectifs pourront être atteints. Pas par l’augmentation sans débat de fond du ticket modérateur, la pénalisation des patients ni la suppression de l’Aide Médicale d’Etat. ( aux côtés des représentants des étudiants de la FAGE, nous nous sommes engagés pour la défense de l’AME) Nous devons encourager et accompagner les patients. Et pourquoi pas à travers une ROSP patient qui valoriserait l’adhésion au programme de prévention mis en place par l’assurance santé. Puisque les députés ne sont pas parvenus à s’entendre, je tiens à vous assurer que les LDS, suivront de près les débats qui auront lieu au Sénat sur le PLFSS. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons repositionné notre rencontre annuelle au mitan des débats parlementaires, entre l'Assemblée nationale et le Sénat. *** Madame la Ministre, nous sommes tous conscients ici que la gestion budgétaire actuelle, rustine après rustine, conduit inéluctablement à la déstructuration de l’offre de soins. Le monde a changé, nos patients ont changé, nos pratiques ont changé, nos compétences professionnelles, elles aussi, ont changé. Le vieillissement de la population crée de nouveaux besoins en matière de prise en charge des maladies chroniques et de perte d'autonomie. Les déséquilibres dans l’accès aux soins sont de plus en plus flagrants au détriment des territoires ruraux notamment. La révolution numérique transforme nos modes d'exercice et les attentes des patients. L'émergence de nouvelles thérapies, souvent coûteuses, pose la question de leur financement et de leur accès équitable. Nous pensons qu’il est temps de redéfinir les équilibres autour d’une nouvelle loi de Santé. Madame la Ministre, vous avez évoqué la nécessité d’une telle loi, et nous partageons cette vision. Cette loi devra porter une vision ambitieuse et moderne de notre système de santé. Elle devra redéfinir les équilibres entre la ville et l'hôpital, en donnant toute sa place aux soins de proximité. Elle devra repenser l'articulation entre prévention et soins, en transformant l’assurance maladie en véritable « assurance santé » basée sur la prévention et plus essentiellement sur le curatif. C'est en agissant en amont de la maladie que nous pourrons préserver la santé de nos concitoyens. Cette loi devra également clarifier les rôles respectifs de la solidarité nationale et de la responsabilité individuelle dans le financement des soins. Pour construire cette réforme, nous proposons l'organisation d'une grande conférence sociale de la santé. Cette conférence devra réunir l'ensemble des parties prenantes dans un esprit de dialogue et d'innovation. Les financeurs que sont l’Assurance Maladie Obligatoire et les Complémentaires devront être présents pour repenser les modalités de prise en charge des soins. Les caisses d'assurance maladie, avec leur expertise dans la gestion du risque et leur connaissance fine des territoires, auront un rôle central à jouer. Les représentants des établissements de santé publics et privés devront être associés pour construire de véritables parcours de soins coordonnés. Le secteur médico-social, trop souvent le parent pauvre des politiques de santé, devra être pleinement intégré à nos réflexions. Les associations de patients, dont la voix est essentielle, devront être entendues pour que les réformes répondent aux besoins réels de nos concitoyens. À force de repousser la mise en œuvre d’une réforme d’envergure, nous risquons de continuer dans l’instabilité qui ouvre la porte à tous les excès dont celui de la financiarisation. Mais une telle réforme ne peut naître que dans la recherche d’un consensus le plus vaste possible . Or aujourd’hui, ceux qui parviennent à construire du consensus et à appliquer des accords, sont les partenaires sociaux. Afin de ne pas reproduire le relatif échec du trop vaste CNR, nous vous proposons donc de missionner les partenaires sociaux, dans lesquels nous nous incluons, pour réfléchir et travailler à cette future réforme afin que le moment venu, les politiques, puissent s’en saisir. Nous pensons à une grande conférence sociale réunissant l’ensemble des parties prenantes, sous l’égide de CESE qui aboutirait à une proposition de loi discutée puis validée par une convention de citoyens tirés au sort . Cette proposition de loi citoyenne que nous appelons de nos vœux devra aboutir à un nouveau pacte social sur la santé, aussi ambitieux et visionnaire que celui de 1945. *** Les Libéraux de Santé, ainsi que l'ensemble des organisations représentatives que nous fédérons, sont prêts à prendre leur part dans ces transformations. Nous croyons que notre ADN libéral, fondé sur la responsabilité et l’engagement, nous permettra d’organiser cette vaste discussion de manière lucide, apaisée et pragmatique. C’est d’ailleurs le sens même du discours du Premier Ministre, et nous devons être au rendez-vous. Nous sommes prêts à nous engager dans une relation exigeante et constructive avec l'État et l'Assurance Maladie. Cette relation doit reposer sur un pacte conventionnel équilibré et rénové, qui reconnaît la place centrale des professionnels libéraux dans l'organisation des soins. Nous devons collectivement garantir la stabilité et la pérennité de notre système de soins, tout en l'adaptant sans au XXIe siècle, dont un premier quart vient déjà de s’écouler. L’objectif qui nous guide dans toutes ces réflexions est très simple : il est de garantir à tous les Français un accès à des soins de qualité, partout sur le territoire. Nous devons préserver ce qui fait la force de notre système de santé - la liberté de choix des patients et l'indépendance des professionnels - tout en l'adaptant aux nouvelles réalités. Les défis sont immenses, mais nous sommes face à une opportunité historique à saisir pour réinventer notre modèle de santé. Nous avons collectivement la capacité et le devoir de réussir cette transformation. Les Libéraux de Santé seront au rendez-vous de cette ambition, aux côtés de tous les acteurs de bonne volonté qui souhaitent construire l'avenir de notre système de santé. Je vous remercie de votre attention et souhaite que cette journée soit marquée par des échanges constructifs et porteurs d'espoir pour l'avenir de notre système de santé.