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Par rapport aux autres pays européens, la crise économique épargne pour l’instant le champ de la santé en France. Elle n’en a pas moins des conséquences sur l’accès aux soins. L’ONDAM sera de 2,7 % en 2013, de 2.6 % en 2013 puis stabilisé à 2,5 %. 4,5 milliards d’euros sont injectés dans le système, avec l’obligation de trouver 2 milliards d’euros d’économies par an.

Peut-on faire aussi bien avec moins de moyens ? Existe-t-il des gisements d’économie ? Ne doit-on pas repenser l’ensemble du système de santé ? C’est le sens de la stratégie nationale de santé qui poursuit un objectif de réforme structurelle autour de la médecine de parcours.

 

I)     Etat des lieux par le Pr Claude LE PEN, économiste de la santé

L’expression de médecine de proximité est apparue tardivement dans le débat public. Elle renvoie aux tensions nées de la spécialisation et de la polarisation des soins.

 

La crise économique affecte peu les soins de proximité, qui relèvent d’une logique démographique. Elle influence en revanche la pensée sur les politiques de santé. Parallèlement à la crise de la sécurité sociale, la désignation dans les accords de branche recrée un système d’assurance paritaire et corporatiste financé par les cotisations. La généralisation de l’assurance-maladie est inenvisageable sans redéfinir le périmètre de base couvert. Dans ce contexte, la complémentaire devient essentielle. Le partage risque de se faire sur la base d’une part, des soins lourds et urgents (ALD, hospitalisations…) qui continueraient à relever du régime obligatoire, d’autre part, des soins de proximité, renvoyés au régime complémentaire. Les conséquences de la crise sur les soins primaires s’exercent ainsi par des voies imprévues. Le parcours de soin fait partie des solutions structurantes.

 

La crise introduit également de la confusion et un manque de visibilité : parallèlement à la recherche d’économies, la société recherche des solutions innovantes. La situation est nouvelle, intéressante pour l’observateur, tendue pour les acteurs.

 

II)   Echanges

Le PLFSS 2013 prévoit l’ouverture de négociations sur les soins de proximité au 1er semestre 2013. Interrogé à ce sujet, Frédéric VAN ROEKEGHEM, Directeur Général de l’UNCAM, souligne l’incertitude du contexte actuel. Le ralentissement de l’ONDAM suit celui de la croissance. Entre 2004 et 2011, la croissance des dépenses d’assurance maladie a été supérieure de 0,6 % à la production de richesses nationales. Il est étonnant que la pression économique n’accélère pas les changements organisationnels. C’est en recherchant l’efficience qu’il sera possible de préserver l’assurance-maladie. L’UNCAM encourage une approche fondée sur la médecine par les preuves, qui tend à faire émerger la qualité avec une organisation mieux adaptée à la prise en charge des maladies chroniques et un rapport qualité-prix optimal. La médecine libérale de proximité correspond à une offre dont la qualité est relativement satisfaisante, qui peut être améliorée rapidement et dont le rapport qualité-prix n’est pas mauvais.

 

La négociation sur les soins de proximité doit s’intégrer dans la stratégie nationale de santé. Dans ce cadre, il conviendra de s’interroger collectivement sur les freins à la réorganisation et sur la coordination des soins de proximité. Le conseil de l’UNCAM pourrait proposer des orientations de négociation en mai, lorsque la stratégie nationale aura avancé.

 

Comment pourrait-on mieux allouer les ressources entre la ville et l’hôpital, la médecine générale et spécialisée, les médecins et les autres professionnels de santé ? Le représentant de la Mutualité Française constate que malgré un bon remboursement, les restes à charge sont importants. La mutuelle complémentaire joue un rôle important dans l’accès aux soins. C’est donc à la fois sur l’organisation du système de soins et sur son financement qu’il faut travailler, tout en repensant la place de l’hôpital à partir du patient. La Mutualité Française préconise l’amélioration de l’accès aux soins de premier recours, qu’elle encourage en ouvrant des centres de santé ou par un soutien financier. Elle juge tout aussi indispensable de travailler sur l’impact inattendu de la désignation sur les mutuelles complémentaires et souhaite participer aux négociations.

 

La crise économique conduit-elle des assurés à renoncer aux soins ? Le CNSD, représenté par Thierry SOULIÉ ne constate pas de renoncement flagrant. La crise économique commence néanmoins à produire des effets. Le secteur dentaire est déjà rompu aux problèmes économiques. Il est parvenu à pallier les insuffisances du système par une rationalisation des soins, qui devient difficile en période de crise. La politique d’accès aux soins produit par ailleurs des effets pervers comme la création de centres de santé low cost. La rémunération de l’activité doit être repensée.

 

François BLANCHECOTTE (SDB) constate quant à lui que la crise a des effets sur les prescripteurs. Les inégalités croissent entre les territoires. Pour la biologie, l’enjeu est de passer d’un système curatif à un système de dépistage et de réfléchir aux soins générateurs d’économies. Il serait souhaitable de s’accorder sur une réforme de l’assurance-maladie, dans le sens d’actes moins nombreux et mieux rémunérés en fonction de leur valeur ajoutée, et de trouver un cadre dans lequel les laboratoires libéraux puissent continuer à fonctionner. Le législateur doit être conscient que si l’accréditation apporte de la crédibilité, elle présente aussi un coût, à l’instar du maintien des laboratoires de proximité. Sur la redondance des examens de biologie entre les secteurs privés et publics, les données manquent toujours alors que des économies pourraient être réalisées.

 

Interrogé sur les moyens à mettre en œuvre pour des soins libéraux de proximité, Michel CHASSANG (CSMF) insiste sur la nécessité d’agir dans une perspective offensive de reconquête de parts de marché. Il existe un consensus sur la nécessité de réorganiser le système de soins autour d’une médecine de parcours. C’est une opportunité politique et économique à saisir. Pour ce faire, il faut :

 

inventer un nouveau modèle économique favorisant le travail en équipes et le financement des structures ;

repenser les modes de rémunération, en privilégiant la rémunération des actes à haute valeur ajoutée et les actes de coordination ;

mettre en place le partage d’informations ;

Le CNPS privilégie la voie conventionnelle, professionnelle et interprofessionnelle, qui semble également envisagée par le gouvernement. Il n’est pas opposé au tiers-payant à condition qu’il soit facile à mettre en œuvre.

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