Intervention de Mounir MAHJOUBI Président du Conseil National du Numérique Le Conseil National du Numérique (CNNum) existe car le gouvernement s’est rendu compte que le numérique transformait la société en profondeur. 30 experts bénévoles sont ainsi régulièrement consultés sur les projets de loi ayant trait à la révolution numérique. En trois ans, le CNNum a ainsi rendu 18 rapports sur des thématiques aussi diverses que le travail, l’inclusion ou la santé. Nous ne sommes malheureusement pas toujours entendus, comme en atteste la non-reprise de nos préconisations dans la récente loi sur le travail. Dans certains secteurs, toutefois, dont celui de la santé, nous avons bénéficié d’une meilleure écoute et un certain nombre de nos recommandations ont reçu un certain écho auprès des Ministères concernés. 15 personnes travaillent à temps plein au sein du CNNum et s’efforcent de faire vivre les préconisations que nous formulons dans nos rapports. A n’en pas douter, le secteur de la santé a démarré avec un temps de retard dans l’appropriation des opportunités offertes par le numérique. Nous percevons toutefois quelques bruissements, il se passe incontestablement quelque chose et 11 % des Français utilisent d’ores et déjà des objets connectés au quotidien, dans le domaine de la santé. Ce paysage est toutefois très mouvant puisque de nombreuses applications sont créées chaque jour et bien malin serait par conséquent celui qui pourrait prédire ce que sera la santé numérique dans les prochaines années. Les patients ont aujourd'hui accès à une masse d’informations considérable sur le net et ne viennent plus voir leur médecin pour avoir un premier avis mais plutôt pour confirmer ou infirmer le pré-diagnostic qu’ils auront obtenu sur le web. En dépit de toutes ces incertitudes sur l’avenir, plusieurs grandes tendances seront incontestablement à l’œuvre, dans les prochaines années. A n’en pas douter, les patients seront toujours plus impliqués dans leur parcours de soins. Une plus grande fluidité sera par ailleurs de mise entre les différents acteurs en présence et le patient sera partie prenante de la construction du réseau de soins assurant sa prise en charge. Enfin, de nouveaux potentiels liés à la médecine préventive devraient conduire à un changement radical de l’acte médical en lui-même. Dans ce contexte mouvant, les professionnels de santé craignent de voir la qualité des soins se réduire. Nous devons les rassurer en leur assurant que les innovations ne se feront pas à leurs dépens ni au détriment de leurs patients. Il conviendra en outre de réfléchir aux modalités de remboursement des dispositifs de santé numérique. Par ailleurs, nous devrons nous assurer de la mise en œuvre d’innovations harmonieuses, en réfléchissant aux modalités de régulation que nous entendons mettre en œuvre. A n’en pas douter, l’innovation numérique en santé ne revêt pas toujours un visage purement technologique. Les évolutions numériques qui ont le plus révolutionné la vie des patients sont en effet davantage les forums d’échanges en ligne, permettant à des millions de personnes de dialoguer sur une pathologie donnée que les robots intervenant dans la prise en charge chirurgicale de ces mêmes patients. Le CNNum est attaché à la nécessité de réguler toutes ces innovations, en garantissant une libre expression des besoins des patients. Entre un système qui serait entièrement régulé par le patient ou, à l’inverse, un système qui serait entièrement régulé par les professionnels de santé, nous devons opter pour une voie médiane. Dans un tel contexte, le CNNum s’est notamment intéressé récemment à la question de la loyauté des plates-formes mises en ligne sur le web, pour laquelle trois critères devront être réunis – la portabilité des données, l’interopérabilité des technologies et la transparence. Partant de là, les professionnels devront nécessairement se mobiliser pour mettre en place des outils standards interopérables avec de nouveaux outils, qui verront le jour dans le futur. A n’en pas douter, la révolution numérique provoque « l’empowerement » du patient, en permettant à celui-ci de prendre la main sur son parcours de soins. Dans le même temps, le développement du maintien domicile a permis l’émergence d’innovations notables, tout en réinventant le rôle des différents intervenants autour du patient. Dans le domaine de l’innovation, nous ne pouvons que déplorer le « serpent de mer » du DMP, pour lequel nous avons dépensé près de 500 millions d'euros en dix ans, pour un résultat quasi-nul. Nous aurions pourtant pu tirer parti d’un tel outil, comme l’ont fait certains pays tels que l’Estonie, par exemple. Au jour d’aujourd'hui, les Estoniens ont en effet mis en place une architecture évolutive particulièrement intelligente, permettant d’interconnecter au fil de l’eau les différentes innovations entre elles, ce qui constitue un grand pas en avant. Nous pourrions nous inspirer utilement de ce type d’exemples. Pour finir, nous devrons mener à bien plusieurs expérimentations, afin de tester l’efficacité de certains dispositifs. Les professionnels de santé devront en outre faire montre de leur capacité à innover, avec un souci constant de renforcement de la qualité des soins et de l’évitement du risque, afin de ne pas subir des innovations venues d’ailleurs, qui s’imposeraient à eux sans qu’ils aient leur mot à dire. << 3/6 : Article précédent Article suivant : 5/6 >>