Mes Chers Amis, Si cette nouvelle convention du CNPS a réuni autant de participants, c’est parce qu’il y a de nombreuses interrogations concernant les changements, les mutations que notre système de santé est en train de vivre. Une fois de plus, nous sommes à la croisée des chemins. D’un côté émergent les nouveaux besoins de soins de nos patients liés à la chronicité et aux polypathologies, liés aussi et, plus largement, au vieillissement de la population. D’un autre, nous assistons à une diminution des recettes dans un contexte économique général très dégradé qui, sans réforme des modes de financement de l’assurance maladie, impose mécaniquement une contraction de la dépense sous le regard vigilant de Bruxelles et des agences de notation. D’ailleurs, les perspectives annoncées par le Conseil stratégique de la dépense publique, qui doit trouver 50 milliards d’économies nouvelles, indiquent que le secteur de la santé sera impacté. La presse a d’ailleurs évoqué pour 2015 la programmation d’un ONDAM qui pourrait se situer autour des 2%, voire même en dessous. Dans ce contexte, il faut le dire, nous sommes inquiets. Vous avez annoncé, Madame la Ministre, votre souhait de faire bouger les lignes en construisant une Stratégie nationale de santé qui se traduira au deuxième semestre 2014 par une nouvelle loi de santé publique. Les libéraux de santé que nous sommes, Madame la Ministre, sont prêts eux aussi à faire bouger les lignes. Nous aspirons à une réforme qui, en toute logique, devrait s’appuyer sur les soins de ville libéraux. Les soins de ville libéraux ont fait la démonstration ces dernières années de leur capacité à s’engager dans la maîtrise médicalisée des dépenses. Non seulement, ils ont respecté l’objectif de dépenses qui leur était fixé par le Parlement, mais surtout ils ont fait mieux. Ces dernières années, ils ont permis la réalisation de près de 3 milliards d’euros supplémentaires dont 1 milliard d’euros en 2013. Une partie de ces économies, je le dis clairement, a été douloureuse. Elle s’est faite sur les honoraires, certaines professions ont subi des baisses tarifaires qui, somme toute, ne s’imposaient pas – on le voit au regard des résultats –, et d’autres, parfois les mêmes, se sont vu imposer des restructurations à marche forcée. Nous estimons qu’une large partie de ces « économies » , - vous comprenez que je mets des guillemets autour de ce mot - doit être réinvestie dans la modernisation des soins de ville pour permettre une structuration de la prise en charge et du parcours de soins dans une approche globale favorisant les équipes de soins libérales pluridisciplinaires. Je crois d’ailleurs que c'est le sens de votre Stratégie nationale de santé. Si je regrette que les Agences régionales de santé oublient trop souvent que les libéraux de santé pourraient être les acteurs, et pas seulement les spectateurs, des débats régionaux qu’elles organisent sur la SNS, en revanche, je peux vous dire Madame la Ministre, qu’ils sont porteurs de propositions. Je vous remettrai tout à l’heure la contribution élaborée par le bureau national du CNPS. Nous avançons quelques idées pragmatiques et essentielles pour permettre de mieux structurer l’offre de soins libérale qui doit être complémentaire de l’hôpital et non dans sa dépendance. Première idée : construire une véritable articulation entre l’hôpital et la ville Les libéraux de santé ne doivent pas être mis devant le fait accompli d’une sortie d’hospitalisation. Celle-ci doit être organisée avec les équipes de libéraux de santé en amont de la sortie du patient, par exemple avec la mise en œuvre de visites de pré-sortie où seraient mobilisés les professionnels qui assureront le suivi du patient et rencontreront l’équipe de soins hospitalière. Cette coordination permettrait d’éviter que certaines sorties se fassent dans le cadre de structures, SSIAD, SSR, ou EHPAD, dont l’impact pour l’assurance-maladie est beaucoup plus lourd. De même, mieux organiser les sorties d’hôpital, c’est permettre d’éviter les décompensations pour limiter les ré-hospitalisations. Là encore, il y a un enjeu de coût. Deuxième idée : reconnaître et favoriser la coordination entre libéraux de santé La coordination entre libéraux de santé doit être reconnue et rémunérée car elle mobilise des compétences, représente du temps médical et impacte la prise en charge du patient. Ce travail permet de renforcer la qualité des soins et de limiter le recours à l’hospitalisation, tout en améliorant la prise en charge. En revanche, je le dis clairement, le CNPS rejette les formes de coopération de type Asalée qui conduisent au salariat d’une profession de santé par une autre. Le CNPS est attaché aux formes de coopération libérale. Troisième idée : construire une rémunération respectueuse du cadre conventionnel La négociation interprofessionnelle va s’ouvrir bientôt pour élaborer la rémunération des équipes de soins, notamment dans le cadre du PAERPA. Le CNPS souhaite que la rémunération des libéraux de santé reste dans le champ conventionnel selon les modalités qui sont propres à chaque profession. L’ACIP, l’accord-cadre interprofessionnel, le permet. Le cadre conventionnel de l’ACIP n’exclut pas cependant, lorsque c’est utile et nécessaire, des modulations régionales pour répondre à des cas spécifiques d’organisation. Nous soutenons également l’idée de l’extension de la rémunération sur objectifs de santé publique pour tous les libéraux de santé qui le souhaiteraient. Cela permettra de financer la modernisation et l’organisation des cabinets libéraux. Enfin, nous souhaitons que le niveau des rémunérations soit attractif pour permettre aux professionnels de s’impliquer à la fois dans la coordination et la prévention. Le niveau des enveloppes qui a été évoqué, notamment dans le cadre du PAERPA, nous semble, je vous le dis Madame la Ministre, très nettement insuffisant. Il faudra donc le revoir. Quatrième idée : favoriser les regroupements virtuels et physiques Les libéraux de santé doivent être étroitement associés à l’organisation territoriale de soins. Cela suppose un changement d’attitude de la part des ARS qui doivent apprendre à négocier – je dis bien négocier, et non informer ou concerter - avec les libéraux de santé. Les libéraux de santé, qui ont une culture de négociation de longue date avec l’assurance maladie. Ils sont des partenaires responsables et capables de porter des accords. Le CNPS recommande que les acteurs locaux favorisent prioritairement le regroupement professionnel ou multidisciplinaire à partir de projets réellement portés par les professionnels eux-mêmes, en privilégiant la culture d’entreprise. Nous souhaitons que ces projets soient soutenus via des aides au fonctionnement et des aides à l’investissement. Cinquième idée : agir sur l’accès aux soins en augmentant le niveau des remboursements Il y a un lien mécanique, je l’évoquais tout à l’heure, entre l’accès aux soins et le niveau des remboursements appliqué par l’assurance-maladie obligatoire. Nous constatons que des pans entiers de la santé ont vu régresser au fil des ans leur niveau de remboursement. Je citerai par exemple l’optique, l’audioprothèse, certains soins dentaires, mais aussi certains actes médicaux. Il ne faut pas que l’assurance-maladie renonce à la mise à jour de la valeur remboursable de ces actes et dispositifs médicaux. Il faut que l’assurance-maladie parte à la reconquête de ces actes et dispositifs médicaux, sans quoi ils ne seront plus remboursés que par les complémentaires santé. Et là, c’est notre système de santé qui change de nature. Sixième idée : orienter notre système de santé vers la prévention Il est temps que notre système de santé exclusivement tourné vers le curatif, amorce le virage de la prévention. Il faut donc donner aux libéraux les moyens de faire vivre une politique de prévention ambitieuse. Les investissements d’aujourd’hui dans la prévention sont les économies de demain puisqu’en misant sur la préservation du capital santé, il s’agit de limiter le développement endémique des pathologies chroniques et des polypathologies évitables. Mais attention, la prévention doit rester entre les mains des libéraux de santé et ne doit pas tomber entre les mains du secteur marchand. Il faudra y veiller. Septième idée, il faut développer une culture pluri-professionnelle Cette culture se construit dès la formation initiale avec le creuset de la première année commune. Il faut prolonger cette culture avec la mise en œuvre par la suite d’une formation continue pluri-professionnelle qui doit être déclinée au plus près des professionnels dans les régions. Vous l’avez compris, Madame la Ministre, nous souhaitons un dispositif souple qui nous simplifie la vie et qui n’ajoute pas de temps administratif supplémentaire à celui que nous subissons déjà. Un dispositif qui favorise les coopérations sans organiser la vampirisation des professions les unes par les autres, sans créer de nouvelles professions que vous ne pourrez pas financer d’ailleurs. Ce que nous ne voulons pas, c’est d’une loi carcan ou, pour vous dire les choses les yeux dans les yeux, d’une loi qui conduirait à l’étatisation avec des ARS dotées de super-pouvoirs pilotant des ORDAM et commandant les libéraux de santé considérés comme le « petit personnel » supplétif des hôpitaux publics. Cela, je le dis nettement, nous ne le voulons pas. En revanche, nous serons à vos côtés pour bâtir un système souple, fonctionnel et réactif. C'est là où nous sommes bons et où nous sommes en plus efficients. Si les libéraux de santé ont été, disons « oubliés », des concertations régionales, je constate que vous, vous ne les avez pas oubliés en venant à ce rendez-vous du CNPS et je vous en remercie. Aussi, je souhaite que notre rendez-vous d’aujourd’hui marque le départ de la négociation de cette future réforme entre les libéraux de santé et vous-même. Un dernier mot pour vous dire que cet après-midi, nous irons manifester pour protéger la qualité de nos formations et par voie de conséquence la qualité des soins. Vous nous aviez soutenus avec votre collègue de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Madame Fioraso, lorsque nous vous avions alertée des dérives de la faculté privée Fernando Pessoa qui s’était installée à Toulon en toute impunité. Vous aviez fait adopter les mesures nécessaires dans la réforme de l’enseignement supérieur qui auraient dû conduire à la fermeture de Pessoa. Or, au lieu de cela, cet établissement qui se désigne désormais comme CLESI,« Centre Libre d'Enseignement Supérieur International », a ouvert un deuxième site et continue à étendre son sinistre commerce auprès des jeunes qui ont échoué aux concours d’admission aux formations de santé. La fermeture de cette structure est donc indispensable pour protéger à la fois : les étudiants contre des agissements mercantiles inacceptables, les patients en leur donnant la garantie qu’ils sont soignés par des professionnels dont la formation est irréprochable, les professionnels libéraux eux-mêmes, puisque la filière PESSOA/CLESI organise un contournement du numerus clausus et remet en cause la régulation démographique des professions. C’est pourquoi, nous nous retrouverons tous ensemble à 14 heures sur le parvis de l’église Saint-Sulpice pour le départ de la manifestation avec laquelle nous espérons obtenir la fermeture de cette structure. Là encore, Madame la Ministre, nous comptons sur votre soutien. Merci. >> Téléchargez le discours du Président du CNPS << << 3/5 : Article précédent Article suivant : 5/5 >>