Intervenants : Lamine GHARBI : Président de la FHP Cédric ARCOS : Délégué général de la FHF Jean-Paul ORTIZ : Président de la CSMF Michel VARROUD-VIAL : Conseiller auprès de la Directrice générale de l’offre de soins Raphaël ROGEZ : Président de l’URPS Médecins libéraux de Centre-Val-de-Loire Stéphane BILLON : Economiste de la santé, Directeur associé de Kamedis Conseils La table ronde est animée par Sylvie FONTLUPT. Sylvie FONTLUPT : Nous allons essayer de comprendre le fonctionnement de toutes ces nouvelles structures et leur articulation. Sont-elles pragmatiques ou, au contraire, encore très technocratiques ? Cette nouvelle structuration permet-elle une meilleure coordination entre la ville et l’hôpital ? Raphaël ROGEZ : A Loches, nous avons commencé par créer un pôle de santé. Cette initiative a été soutenue par l’URPS Médecins libéraux. D’autres projets ont été menés et d’ici quelques mois, nous devrions disposer de six CPTS dans notre région. La plupart devraient être dans des zones rurales. La CPTS du Sud Lochois compte une cinquantaine de médecins généralistes et, au total, plus de 260 professionnels de santé. Nous avons dressé un premier bilan à six mois. Une campagne de promotion de la vaccination a été organisée en direction des aînés et des jeunes enfants. Des échanges ont eu lieu avec l’hôpital, avec des représentants qui siègent désormais dans certaines instances. Des bilans standardisés ont été établis en gériatrie. L’installation de cinq confrères a par ailleurs été accompagnée. Sylvie FONTLUPT : Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées ? Quels ont été les leviers ? Raphaël ROGEZ : A Loches, il existait déjà une association, ce qui a évidemment été un élément facilitateur. Pour les autres CPTS, nous avons accompagné les professionnels dans la construction des projets. Ils sont volontaires mais ont besoin d’une aide logistique. L’enjeu est ensuite de financer la coordination. Dans ce domaine, nous avons obtenu une subvention de l’ARS. Sylvie FONTLUPT : Comment s’organise la gouvernance ? Raphaël ROGEZ : Elle ne pose aucune difficulté. Toutes les URPS ont l’habitude de travailler ensemble dans notre région. Sylvie FONTLUPT : Est-il possible de sortir facilement de la structure ? Raphaël ROGEZ : Tout à fait. Il s’agit d’une démarche volontaire. Nous mettons aussi en place une organisation de la prise en charge des soins non programmés. Sylvie FONTLUPT : Avez-vous rencontré des difficultés administratives ? Raphaël ROGEZ : Non, nous travaillons en confiance avec l’ARS. Michel VARROUD-VIAL : Les CPTS s’organisent bien. Nous craignions que le cadre soit peut-être un peu conceptuel. Or les professionnels s’en sont rapidement emparés. Nous avons recensé plus de 180 projets, même si certains existaient déjà avec une autre structuration. Les CPTS permettent parfois de faire émerger des projets de maisons de santé. Il est plus facile de se regrouper une fois que l’on se connaît. Les soins de ville sont insuffisamment organisés, ce qui freine le développement des soins ambulatoires. Les CPTS répondent à cette problématique. Elles permettent de diminuer le recours aux urgences, de faciliter la prise en charge des patients sortant de l’hôpital à la suite d’une chirurgie lourde, etc. Elles donnent un nouvel élan à la pluridisciplinarité. Les financements FIR sont indispensables pour l’amorçage mais ils ne suffiront pas. Si le mouvement que nous constatons se confirme, nous devrons donc nous interroger sur des solutions pérennes. Sylvie FONTLUPT : Des objectifs ont été annoncés en termes de maisons de santé. En avez-vous pour les CPTS ? Michel VARROUD-VIAL : Nous aimerions que l’exercice coordonné sur les territoires devienne prédominant. Les CPTS sont l’un des outils. Jean-Paul ORTIZ : L’expérience de la région Centre-Val-de-Loire est extrêmement intéressante. Le travail avait été fait en amont, ce qui a facilité la constitution de CPTS. Nous avons porté ce concept, car il repose sur l’initiative des professionnels et n’est pas imposé par le ministère. La médecine ne peut plus s’exercer comme hier. La coordination autour des patients est indispensable. Elle existe mais doit se structurer. L’enjeu concerne notamment le maintien à domicile des patients âgés. Si nous restons isolés, d’autres acteurs interviendront à notre place. Les structures hospitalières commencent à le faire. Nous ne devons pas être en opposition mais travailler de manière complémentaire dans le cadre d’un partenariat cohérent au niveau des territoires. Quand les professionnels de santé s’approprient le dispositif et prennent l’habitude de travailler ensemble, les projets s’imposent très vite. Je suis persuadé que les soins de ville réussiront à s’organiser de façon à la fois simple et efficace. Au final, cette évolution sera au bénéfice de tous. Le système me semble gagnant-gagnant. Stéphane BILLON : Il existe des réussites mais la plupart d’entre elles reposent sur des projets qui existaient de longue date. Une médecine coordonnée de proximité a pu se mettre en place sur certains territoires mais elle ne concerne qu’une infime partie de la population. Il est difficile de faire naître des projets et de dialoguer avec certaines ARS, qui restent largement dans une logique administrative. Culturellement, des changements sont nécessaires. Les ARS doivent aussi adopter une démarche proactive pour aider les médecins. Les freins ne sont pas que financiers. Il faut également renforcer la confiance. Les objectifs chiffrés n’ont pas forcément de sens. Les CPTS doivent reposer sur des réalités de terrain. Jean-Paul ORTIZ : Il faut montrer aux professionnels de santé ce qu’ils peuvent tirer comme avantage d’un exercice coordonné. Les ARS doivent nous simplifier la vie, porter une vision et nous accompagner. Il n’est pas possible de demander des cahiers des charges de 40 pages. En procédant ainsi, nous ne pouvons que nous éloigner de notre objectif. Raphaël ROGEZ : L’URPS Médecins libéraux a porté une CPTS à Loches. Celle-ci a servi d’exemples pour d’autres projets. Les professionnels présentent ce qu’ils font et parviennent à convaincre. Sylvie FONTLUPT : Comment voyez-vous le développement des CPTS ? Cédric ARCOS : Des initiatives avaient déjà vu le jour mais nous nous réjouissons, car l’avenir de notre système de santé n’est pas dans l’opposition entre la ville et l’hôpital. Nous avons besoin de travailler ensemble. Les retours que j’ai du terrain sont positifs. Le fait que les personnes se connaissent facilite beaucoup les relations. Lamine GHARBI : L’hospitalisation privée s’est structurée il y a de nombreuses années. Elle s’est organisée en réseaux de soins et en GHT. De ce point de vue, l’extension de cette logique dans le public est une copie ! Nous avons mis en place des modes de fonctionnement efficaces. Nous pouvons aller encore plus loin. Pourquoi ne pas contractualiser avec les CPTS ? L’essentiel est de travailler dans un environnement de confiance. La simplification est également un enjeu. Sylvie FONTLUPT : Comment s’organisent les synergies entre établissements publics et privés ? Pourraient-ils être ensemble au sein des GHT ? Cédric ARCOS : Bien entendu. Beaucoup de coopérations existent, en termes de prise en charge, de partage d’équipements, etc. Le système est concurrentiel mais celle-ci doit être au service des patients. Le développement de l’ambulatoire en est un exemple. Lamine GHARBI : Notre ancien ministre a tout fait pour exclure l’hospitalisation privée des GHT mais nous avons su dépasser ce piège. Nous sommes complémentaires avec les structures publiques. Nous ne sommes pas en opposition. Au contraire, nous sommes plus forts ensemble. De ce point de vue, nous ne pouvons que nous féliciter des dernières prises de position de notre nouvelle ministre. Sylvie FONTLUPT : Nous n’avons pas encore abordé la question de la rémunération. Jean-Paul ORTIZ : Nous savons qu’un raisonnement global, plutôt que par acteur de santé, permet un gain d’efficience. Le concept de rémunération à l’épisode de soins est intéressant mais l’adapter au fonctionnement de la médecine libérale française n’est pas simple. L’enjeu est en effet de savoir qui détient l’enveloppe. Un modèle reposant sur une caisse pivot serait envisageable, sans toutefois résoudre toutes les difficultés. Nous devons réfléchir tous ensemble pour créer un système gagnant-gagnant. Nous devons mener l’analyse sans a priori. Aujourd’hui, nous sommes dans une régulation prix-volumes dont nous devons sortir. Les tarifications sont tellement basses que nous devons les compenser. Ce n’est pas ainsi que nous pouvons tirer notre métier vers le haut. Nous ne devons donc pas être fermés dans les discussions et accepter de faire bouger les lignes. Michel VARROUD-VIAL : La régulation prix-volumes risque de s’aggraver dans les prochaines années. Si notre système de santé ne parvient pas à se restructurer, nous n’aurons pas d’autres choix. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale ouvre cependant des pistes alternatives. Il rompt avec le principe d’expérimentation à la française, qui est malheureusement un échec. Nous entrons dans une autre logique. Cédric ARCOS : Il est important de laisser faire le terrain et de ne pas rejeter d’emblée des solutions. Le fonds d’innovation de la Sécurité sociale sera toutefois peu doté, avec seulement quelques millions d’euros. Je crains que cela ne permette que du saupoudrage. Or seuls des investissements massifs dans les territoires où les acteurs sont prêts pourront réellement changer les choses. Les dernières expérimentations, comme PAERPA, ne nous ont pas permis d’avancer. Sylvie FONTLUPT : Comment vont s’organiser les relations entre la ville et l’hôpital ? Ne risquons-nous pas de retrouver des silos ? Lamine GHARBI : Le privé à but lucratif ne doit pas être exclu des centres de santé. Nous devons également travailler avec les maisons de santé. Sylvie FONTLUPT : Vous voulez créer des filières. Lamine GHARBI : Les filières sont effectivement la base de ce que nous voulons faire. Cédric ARCOS : La priorité de la FHF est le projet médical. Seul celui-ci peut nous rassembler, avec le service que nous rendons à la population. Un raisonnement par acteur ne peut que nous diviser. Pour la majorité des GHT, l’articulation avec la ville est un objectif clairement affiché. Nous devons toutefois créer des liens de confiance pour lui donner du contenu. Lorsque les personnes se connaissent, tout est ensuite facilité. Jean-Paul ORTIZ : Pour ma part, je pense qu’il revient aux professionnels libéraux de s’organiser. Ils doivent être des entrepreneurs de soins de ville. Le dialogue avec les structures hospitalières sera ensuite plus facile. Sylvie FONTLUPT : L’organisation en CPTS a-t-elle facilité les relations avec l’hôpital ? Raphaël ROGEZ : Les parcours sont beaucoup plus fluides. Catherine MOJAÏSKY, Présidente de la CNSD : Les chirurgiens-dentistes proposent la mise en place de structures intermédiaires dans des hôpitaux ou des cliniques pour mieux prendre en charge des patients à besoins particuliers. Jusqu’à présent, ces projets n’ont jamais pu voir le jour. Ils permettraient pourtant de répondre aux problèmes que nous rencontrons dans les territoires. De la salle : Nous avons voulu constituer une CPTS mais l’ARS Bretagne a indiqué qu’elle ne nous soutiendrait pas tant qu’un cadre n’aurait pas été défini par l’URPS. Stéphane BILLON : Il existe en effet de fortes disparités territoriales. << 2/5 : Article précédent Article suivant : 4/5 >>