Participent aux échanges : Jean-Marc AUBERT : Directeur de la DREES Lamine GHARBI : Président de la FHP Philippe VERMESCH : Président du SML Jean-Paul ORTIZ : Président de la CSMF La table ronde est animée par Sylvie FONTLUPT. Sylvie FONLUPT : La réforme du système de santé qui vient d’être présentée s’accompagne d’une réforme du financement et de la rémunération. La tarification à l’acte ne semble plus la bienvenue. De nouveaux modes de rémunération sont prévus, comme les paiements à l’épisode. Pouvez-vous nous éclairer sur le sujet ? Jean-Marc AUBERT : Le débat entre rémunération à l’activité et capitation, qui est très prégnant en France, me semble dépassé. En Angleterre, les professionnels sont massivement libéraux ; pourtant, ils sont rémunérés à la capitation. Dans d’autres pays, les médecins sont fonctionnaires ; pourtant, ils sont rémunérés à l’activité. La rémunération et le statut du « producteur » sont donc deux éléments différents. Nous passons notre vie à acheter des bundles à l’État ou à des personnes indépendantes. Le changement ne doit donc pas nous choquer. L’achat à l’unité sera de plus en plus remplacé par des achats groupés à un ensemble de professionnels qui pourront s’organiser comme ils le souhaitent. Comprenons bien qu’il existe deux sujets différents : le statut et l’organisation des structures d’une part, leur financement d’autre part. Sylvie FONLUPT : Qu’est-ce qui pousse les pouvoirs publics à remettre en cause le paiement à l’acte ? Est-ce la décroissance de la valeur des actes qui est visée ? Jean-Marc AUBERT : Je ne crois pas que cette motivation de décroissance existe. Nous bougeons parce que nous apprenons du passé. Tous les pays font évoluer en permanence la manière de rémunérer, et ce dans tous les domaines. Lorsque nous nous sommes demandé si notre organisation était pertinente, nous avons regardé ce qui se faisait à l’étranger. Les assistants médicaux existent dans de nombreux pays. Nous ne pensons pas qu’il existe un modèle unique. Nous sommes complètement ouverts. La transformation n’est pas un effet de mode. Il s’agit d’une longue évolution, qui a commencé en 1945. L’évolution de la tarification accompagne l’évolution de la pratique et des besoins. L’apparition de nouveaux services conduira à de nouvelles organisations. Il ne faut donc pas imaginer que les nouveaux modes de tarification ont pour objet de réguler la dépense, car ce n’est pas le cas. En revanche, il n’y aura pas d’amélioration de la qualité de vie des patients si la qualité de vie des professionnels se dégrade. Nous avons un objectif de mise en œuvre au 1er janvier 2020. Philippe VERMESCH : Je persiste à penser que le mal est l’insuffisance de la rémunération du paiement à l’acte.. C’est cela qui fait que nous nous retrouvons aujourd'hui avec un manque crucial de médecins sur le terrain. Quant au forfait, il est en corrélation avec une sorte de capitation de l’acte. Jean-Paul ORTIZ : L’acte médical est effectivement sous-payé. Le forfait a déjà été introduit. Une partie de l’activité médicale ne peut pas être rémunérée autrement que par un forfait. Faut-il aller jusqu’à un forfait rémunérant la prise en charge en soins d’un patient atteint d’une maladie chronique ? Il faut en discuter, même si le paiement à l’acte doit rester le cœur de la rémunération du médecin libéral. Le forfait peut rémunérer des missions comme l’éducation thérapeutique ou la coordination. Les nouvelles organisations, en cultivant la coordination entre les acteurs de ville, peuvent-elles nous permettre de gagner en efficience, donc de dégager des marges ? Il s’agit d’un autre sujet, qui posera la question de la répartition de ces marges. Je veux bien en discuter. Peut-être, en étant disruptif, y trouverai-je mon compte, mais je préfère les ACO aux épisodes de soins. Lamine GHARBI : De mon côté, je considère qu’il ne faut pas toucher à la tarification à l’activité. Sylvie FONTLUPT : Le PLFSS introduit une augmentation de la dotation à la qualité. Qu’en pensez-vous ? Lamine GHARBI : Ceux qui ne seront pas aux standards qualitatifs pourront être pénalisés, mais c’est déjà le cas actuellement. Je ne suis donc pas choqué. En revanche, les établissements qui ne sont pas certifiés dans une activité doivent être fermés. Il en existe dans toutes les fédérations. Par ailleurs, pourquoi ne pas prévoir des seuils d’activité par praticien ? Je suis favorable aux seuils et aux évaluations. Jean-Marc AUBERT : Je suis d’accord : il faut faire quelque chose vis-à-vis des établissements qui sont médiocres. L’exigence des Français est élevée. Dans tout cela, la tarification est un outil, mais un outil parmi d’autres. Elle ne va pas résoudre le problème de l’enveloppe budgétaire et du suivi de l’ONDAM. Sylvie FONTLUPT : Qu’en est-il de la régulation de l’ONDAM ? Jean-Marc AUBERT : Nous avons proposé de séparer la régulation des deux secteurs (hôpital et ville). Au-delà, nous pouvons nous demander si cela a encore un sens que de séparer l’ONDAM des villes et l’ONDAM des hôpitaux. Jean-Paul ORTIZ : Vous ne pouvez pas demander aux libéraux d’en faire toujours plus et les confiner dans un système fermé. Dans la majorité des autres pays de l’OCDE, les enveloppes n’ont rien à voir avec ce qui se pratique en France. Philippe VERMESCH : Avec le virage ambulatoire, l’enveloppe de ville sera obligée d’augmenter. Dès lors, le budget global de l’hôpital devrait diminuer. Lamine GHARBI : La politique du rabot ne peut pas durer éternellement. Le PLFSS contient des mesures, notamment les économies sur les médicaments, qui nous inquiètent. Jean-Marc AUBERT : Les différences ne sont pas anormales entre les pays de l’OCDE dès lors que les équilibres hôpital-ambulatoire n’y sont pas les mêmes. En France, cela fait 20 ans que nous essayons de respecter l’ONDAM. Au final, nous n’avons pas fait évoluer la frontière en euro. Je le regrette. Nous sommes le seul pays à afficher deux enveloppes, ce qui complexifie notre système. Il est peut-être temps de se poser la question. Arrêtons d’afficher des choses qui ne servent pas à grand-chose. Je pense que nous devons transformer notre mode de régulation. Quant aux tarifs, je ne suis pas favorable à leur augmentation perpétuelle. Il faut tenir compte des gains de productivité et des évolutions technologiques. Il est normal que certains tarifs baissent et que d’autres augmentent. De la salle : Combien d’établissements de la FHP sont certifiés D ? Lamine GHARBI : Il y en a 2 en 2018. De la salle : Ne pensez-vous pas qu’une réflexion est nécessaire sur l’ouverture du secteur 2 ? Jean-Marc AUBERT : Non. Le secteur 2 est historique en France, mais nous sommes le seul pays à avoir pensé qu’il s’agissait du meilleur système. Le secteur 2 n’est pas la panacée du système de santé car il limite l’accès aux soins. N’oublions pas qu’in fine, nous travaillons pour le patient. << 3/6 : Article précédent Article suivant : 5/6 >>