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Participent aux échanges :
Annelore COURY : Directrice déléguée à la gestion et l’organisation des soins de la CNAM
Michel BALLEREAU : Délégué général de la FHP
Cécile CHEVANCE : Responsable du pôle finances et data de la FHF
Jean-Paul ORTIZ : Président de la CSMF
Catherine MOJAISKY : Secrétaire générale du CNPS


Sylvie FONLUPT
L’assurance maladie a, la première, évoqué les modes alternatifs au seul paiement à l’acte. Le CAPI a été remplacé par la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP). L’assurance maladie a proposé la rémunération forfaitaire pour la prise en charge de certaines pathologies. Annelore Coury, qu’est-ce qui motive ce changement de doctrine dans les modalités de rémunération des professionnels de santé ?

Annelore COURY
Nous cherchons depuis un certain nombre d’années à obtenir un mix des modes de financement pour aboutir à un mode de financement le plus efficient possible. Chaque modalité de financement présente des intérêts et des impacts négatifs. Par exemple, la rémunération à l’acte présente un effet inflationniste.
Il existe trois piliers de rémunération des professionnels de santé :

  • le paiement à l’acte fait partie du contrat social des professionnels libéraux
  • la rémunération forfaitaire, dont le forfait patientèle, à l’équipement et la modernisation
  • la ROSP ou rémunération sur objectif de santé publique : cette rémunération valorise l’action individuelle du professionnel pour atteindre des objectifs de santé publique. Des discussions se poursuivent avec des biologistes.

Un accord-cadre interprofessionnel a été signé avec les membres de l’UNPS pour rappeler l’importance de la coordination. Nous cherchons à encourager la qualité de la prise en charge. La prévention est traitée dans l’ensemble des négociations. L’accord dentaire inclut un investissement de l’assurance maladie dans la prévention. L’assurance maladie encourage au-delà du financement de chaque professionnel le financement des CPTS pour développer des missions indispensables telles que l’accès au médecin traitant.

Valérie PARIS
Jean-Paul Ortiz, l’application de la ROSP est complexe. La négociation interprofessionnelle est en cours. L’assurance maladie propose un forfait pour les assistants médicaux. Comment jugez-vous cette rémunération forfaitaire ?

Jean-Paul ORTIZ
Des missions accomplies par les médecins ne peuvent être rémunérées à l’acte, par exemple la permanence des soins. Cette mission ne peut être rémunérée que sous forme de forfait. La valorisation de la qualité a constitué l’enjeu de la ROSP. L’objectif de cet exercice est le paiement à l’acte, dont le tarif est très bas. J’ai proposé une rémunération forfaitaire sur la base de consultations hiérarchisées en fonction du contenu. L’assurance maladie privilégie la classification entre consultations complexes et peu complexes, qui sont très peu utilisées. Le système de santé doit être plus efficient pour mieux répondre aux besoins de la population dans tous les territoires. Le tarif de l’acte est déconnecté de la réalité, ce qui attire peu les jeunes médecins.

Sylvie FONLUPT
Annelore Coury, la diminution du tarif de l’acte au profit de rémunérations forfaitaires n’engage-t-elle pas les professionnels libéraux dans une spirale piégeuse ?

Annelore COURY
Il ne s’agit pas de remettre en question la rémunération à l’acte. Nous proposons de travailler sur des actes qui s’inscrivent sur la qualité et la prévention, ce qui a abouti à la classification des consultations en complexes et peu complexes. L’accord signé avec les infirmiers a abouti à la rémunération au forfait des toilettes de patients demandés. L’acte n’est parfois pas adapté à ce qui est nécessaire pour la prise en charge des patients.

Sylvie FONLUPT
Il a fallu deux ans pour négocier le forfait infirmier et l’assurance maladie a dû promettre 65 millions d'euros supplémentaires au dernier moment.

Annelore COURY
La prise en charge des forfaits des infirmiers représente un coût de 2,4 milliards d'euros. Une négociation impose d’équilibrer les différentes mesures. L’accord avec les infirmiers favorise l’observance des médicaments et travaille sur les actes pertinents.

Sylvie FONLUPT
Les déficits publics sont toujours d’actualité et des établissements privés restent en déficit malgré les réformes.

Cécile CHEVANCE
Le système de financement des hôpitaux publics est totalement mixte, avec d'une part un financement à l’activité (forfait GHS) et d'autre part un financement au forfait et à la dotation globale. L’ensemble des recettes des établissements publics de santé dépend de 55 % de financement par la T2A et 45 % par le forfait. Par ailleurs, la T2A inclut des forfaits et de nombreuses missions d’intérêt général ont été calibrées. Des réformes de financement sont en cours. Les professionnels libéraux et établissements de santé revendiquent la coconstruction des futurs modes de financement.

Michel BALLEREAU
Les professionnels de libéraux et les établissements de santé poursuivent le même objectif : soigner avec la rémunération la plus juste. La Ministre de la santé parle souvent de pertinence.

Sylvie FONLUPT
La Ministre évoque 30 % d’actes non pertinents.

Michel BALLEREAU
Son propos varie selon les articles. Elle encourage des voies thérapeutiques plus performantes ou évoque des lourdeurs administratives.

Jean-Paul ORTIZ
Il n’existe pas d’analyse scientifique permettant d’identifier un taux d’actes justifiés. La pertinence peut aboutir à dépenser davantage pour certains patients.

Michel BALLEREAU
C’est exact. L’enveloppe contrainte est respectée. Il convient d’effectuer des études d’impact et ne pas changer ce qui fonctionne. La tarification à l’activité est une forme de forfait. Les patients attendent que les professionnels de santé travaillent avec les établissements de santé. Le principe du paiement à la qualité est positif, mais un soin de qualité qui n’est pas au niveau ne doit pas seulement aboutir à un malus. La FHP s’étonne de l’évolution d’un système qui donne de bons résultats dans la psychiatrie à un système de forfaitisation jusqu’à 97 % sans étude d’impact.

Sylvie FONLUPT
Le paiement par épisode de soin est en cours de test sur le diabète et l’insuffisance rénale. Comment cette expérimentation se déroule-t-elle ?

Jean-Paul ORTIZ
Ils ont défini un périmètre de prise en charge de patients en structure hospitalière. Ce projet concerne uniquement la forfaitisation d’une petite partie des soins rémunérés en T2A. Le cahier des charges demande à l’hôpital d’aller pour partie sur la ville, ce qui suppose de valoriser l’éducation thérapeutique en médecine de ville.

Cécile CHEVANCE
Nous regrettons que cette évolution ne concerne pour le moment que les hôpitaux. Les professionnels de santé sont mobilisés. L’attente est importante. L’objectif majeur ne doit pas être de dégager des économies, mais d’améliorer la prise en charge du patient.

Michel BALLEREAU
Le numérique n’aidera que si cette technologie est accompagnée par la volonté. Il convient de ne pas compliquer la prise en charge des soins aigus. L’avis des patients est extrêmement important, mais l’objectif est que tous les professionnels dispensent des soins de qualité.

Sylvie FONLUPT
Nous terminerons par parler de prévention. Les chirurgiens-dentistes ont signé une convention incluant une brique qui encourage les actions de prévention.

Catherine MOJAISKY
La convention dentaire est issue de longues négociations marquées par différentes intrusions des politiques. Des négociations tripartites ont été signées par deux syndicats qui ont pris leur responsabilité. Le volet de la prévention s’est situé au cœur de toutes les discussions. La convention inclut une part importante de prévention, en particulier l’article 14. La tarification à l’acte en dentaire est basée sur la maladie, ce qui entraîne un certain nombre de biais. Il convient d’assurer la rémunération du praticien tout en garantissant la prise en charge précoce du patient. La France est l’un des rares pays prenant en charge les soins dentaires mais l’objectif désormais est de favoriser la prévention bucco-dentaire pour agir sur l’état de santé général. Il convient d’améliorer les ressources pour changer de paradigme.
L’objectif de l’expérimentation  dentaire consiste à forfaitiser un ensemble d’actes pour favoriser la prévention de la plus importante des maladies buccodentaires (carie). Il s'agit de mettre en place trois options après évaluation du risque carieux individuel du patient (faible entraînant une visite une fois par an, modéré deux fois par an, élevé trois fois par an). La rémunération serait plus élevée pour un risque plus élevé. Cette expérimentation pourrait être menée dans le cadre de l’examen de prévention des jeunes de 18 à 21 ans. Plusieurs systèmes de rémunération peuvent être combinés entre rémunération à l’acte, forfait et rémunération à la performance.

Sylvie FONLUPT
Marco, vous avez participé au projet des CDF, comment avez-vous conçu ce travail ?

Marco MAZEVET
Le constat est partagé au niveau international. Les expérimentations sur les risques ont débuté dans les pays anglo-saxons. Tout le monde tend vers une évolution des systèmes de rémunération. Il est complexe de faire évoluer la rémunération des professionnels de santé de la tarification à l’acte à la prise en compte des risques. Nous avons les moyens scientifiques de prévenir la pathologie carieuse, ce qui suppose de prévoir une rémunération adaptée.

Sylvie FONLUPT
Quelles sont les prochaines étapes de l’assurance maladie sur les modes de rémunération ?

Annelore COURY
Nous prévoyons de nouvelles modalités de rémunération au forfait adaptées à la prévention et la prise en charge des patients de maladies chroniques. La maîtrise des dépassements représente un enjeu majeur de la convention dentaire. Enfin, des expérimentations sont en cours.

Jean-Paul ORTIZ
L’article 51 comporte des propositions intéressantes. Les modèles d’ACO fonctionnent lorsque les professionnels ont intérêt à agir sans prise de risque. Or cela ne peut se mettre en place qu’avec des professionnels volontaires, dès lors qu’ils ont la garantie que les gains leur reviendront au moins en grande partie.

Sylvie FONLUPT
Avez-vous partagé à l’assurance maladie lorsque vous avez repris 25 millions d'euros ?

Annelore COURY
Je ne partage pas du tout votre point de vue. Une erreur d’appréciation sur l’arrivée des génériques a conduit à une redistribution non justifiée aux pharmaciens.

Catherine MOJAISKY
Nous sommes favorables à ce changement. Mais nos confrères sont accrochés à leurs habitudes en termes de rémunération et d’activité et ont du mal à se projeter. Le système de rémunération doit être simple et lisible.

Michel BALLEREAU
Nous sommes tous d’accord pour avancer, mais cela suppose de mener des études d’impact.

Cécile CHEVANCE
La pertinence préoccupe tous les acteurs. Elle concerne la réduction des actes en doublon, mais aussi l’accès aux soins. Les acteurs de terrain doivent avoir la possibilité de proposer des solutions alternatives en termes de financement et d’intéressement collectif. Le retour sur investissement pour les professionnels est important, même si le retour à l’équilibre de l’assurance maladie est partagé par tous.

La convention est suspendue de 11 heures 20 à 11 heures 30.

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