Participent aux échanges : Thierry PEAN : chef du bureau des professions libérales, DGE Michel CHASSANG : président du groupe des professions libérales au CESE, pilote de l’expérimentation sur la participation citoyenne Philippe GAERTNER : vice-président de l’UNAPL, vice-président de l’OPCO PEPSS Sylvie FONLUPT : Comment percevez-vous les professionnels libéraux de santé ? Sont-ils différents des autres entrepreneurs libéraux ? Thierry PEAN : Les professionnels de santé présentent des spécificités, d’abord parce qu’elles sont les plus nombreuses et qu’elles connaissent une progression importante. Malgré l’augmentation de l’exercice collectif, le poids des entreprises individuelles demeure majeur. Votre secteur est dynamique. Néanmoins, en moyenne, vos structures emploient un peu de moins de salariés que les secteurs juridique et technique. Sylvie FONLUPT : La profession de pharmacien a profondément évolué et de manière très rapide. Comment expliquez-vous cette mutation ? Philippe GAERTNER : Le virage s’est opéré il y a une douzaine d’années, pour faciliter l’accès aux soins des patients. En 2006, un haut fonctionnaire a fait le pari de sortir les produits des réserves hospitalières et de faire confiance aux officines. Pour des raisons diverses, beaucoup n’y étaient pas très favorables. Pourtant, les résultats ont immédiatement été très positifs, notamment en termes d’observance des traitements. La loi Hôpital-Patients-Santé-Territoires a modifié la définition de la profession, en confiant des missions aux pharmaciens. Ce changement a été essentiel. Nous avons assisté à un basculement du commerce vers la santé. Cela a ensuite permis d’autres évolutions, comme l’introduction des honoraires. Nous sommes désormais davantage impliqués dans l’accompagnement des patients. Nous leur permettons de mieux s’approprier leurs traitements et d’y adhérer, particulièrement dans le cas des maladies chroniques. Les interventions de toutes les professions sont complémentaires et n’ont pas vocation à empiéter sur les responsabilités des uns et des autres. Pour le comprendre, nous avons besoin de lieux d’échanges, comme le CNPS. Il est également important de faire passer ce message auprès de nos bases. L’objectif est uniquement de rendre plus facile l’accès aux soins pour les patients. Sylvie FONLUPT : Quel a été le changement majeur dans l’exercice libéral ? Qu’est-ce qui demeure comme un fondement intangible ? Michel CHASSANG : Il n’est pas facile de définir l’exercice libéral. Quatre piliers avaient été définis en 1928, dont la liberté d’installation, la liberté de prescription, la liberté de choix des patients et l’entente directe sur la valeur des actes. Certains demeurent mais des évolutions sont néanmoins intervenues et d’autres modifications continueront à être mises en œuvre. Pour moi, la principale mutation est liée à la pression financière croissante sur notre système de santé. À un moment, nous n’aurons plus aucune marge de manœuvre. Il n’est pas possible d’exiger toujours plus d’économies. Le développement de l’interprofessionnalité, par le biais de groupements physiques ou non, constitue également un changement majeur. Ce mouvement est parfois voulu, parfois subi. Nous ne pouvons pas nier l’existence de tensions, généralement liées à des problématiques de financements. Dans ce contexte, nous devons nous unir et surtout pas nous diviser, ce qui est malheureusement trop souvent le cas. Les pouvoirs publics se servent de cette situation pour imposer des évolutions qui ne nous sont pas favorables. Il faut trouver un dispositif permettant d’avoir une rémunération encourageant le travail en équipe. La place de l’hôpital dans le système de santé représente aussi un enjeu. À l’heure du virage ambulatoire, il faudra obtenir les moyens de le mettre réellement en œuvre. Sylvie FONLUPT : Comment voyez-vous le développement de l’interprofessionnalité ? Philippe GAERTNER : L’intérêt de l’interprofessionnalité, entre professionnels de santé mais également avec d’autres professions, est de permettre une approche transversale d’un certain nombre de sujets qui sont aujourd’hui abordés uniquement en silo. Il faut que tout le monde puisse s’inscrire dans une logique commune. Évidemment, cela suppose de trouver des équilibres. Ensemble, nous pouvons être plus forts. Nous devons absolument nous saisir des sujets importants, comme la permanence des soins. Sinon, nous prenons le risque de voir se développer d’autres structures. Il faut également que nous renforcions notre dimension entrepreneuriale. Sylvie FONLUPT : Les autres professions libérales sont-elles confrontées aux mêmes enjeux ? Thierry PEAN : Oui. Certaines professions disposent d’ailleurs d’outils pour constituer des structures interprofessionnelles, ce qui n’est pas le cas dans le domaine de la santé. De la salle : Comment conciliez-vous la liberté de prescription avec les recommandations des agences sanitaires ? En matière d’interprofessionnalité, que pensez-vous de la SISA ? Stéphane RAPELLI : Tous les statuts sont perfectibles. Certaines professions n’ont pas attendu que les pouvoirs publics proposent des solutions pour travailler ensemble. Michel CHASSANG : La HAS a été créée pour nous éclairer sur un certain nombre de sujets. Elle a parfaitement le droit de prendre des positions. Elle est dans son rôle lorsqu’elle élabore des référentiels. Il revient ensuite aux politiques de prendre des décisions, en concertation avec les professionnels. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Nous l’avons également constaté avec l’homéopathie. Philippe GAERTNER : La HAS est passée du champ médical au champ médico-économique. Ce choix a forcément des conséquences. << 2/8 : Article précédent Article suivant : 4/8 >>