Participent aux échanges : Judith MEHL : cofondatrice de Ethik-IA Luis GODINHO : président de l’UNSAF Jean-Paul ORTIZ : président de la CSMF Alexis VERVIALLE : chargé de mission Offre de soins de France Asso Santé Norbert NABET : directeur général d’activité Nehs Sylvie FONLUPT : Les audioprothésistes sont une profession pionnière. Comment mobilisez-vous les ressources de l’intelligence artificielle ? Luis GODINHO : Le terme « intelligence artificielle » introduit une confusion sémantique, car il ne s’agit que de notre intelligence augmentée. Les aides auditives l’intègrent néanmoins depuis le début des années 2000, avec des algorithmes permettant de gérer les différents bruits et de faciliter la programmation des appareils. Nous nous appuyons sur « l’apprentissage machine » et nous utilisons des technologies facilitatrices. Sylvie FONLUPT : Les médecins sont tout de même inquiets face à l’utilisation des données personnelles. Jean-Paul ORTIZ : Le risque est grand de voir des données personnelles utilisées à des fins contraires à l’éthique médicale. Nous sommes inquiets du rôle que peuvent jouer les GAFA, comme en témoigne déjà l’exemple de Google. Une réflexion éthique me semble essentielle dans ce domaine. Sylvie FONLUPT : Les complémentaires se servent-elles de ces données pour construire des services nouveaux ? Norbert NABET : Nous respectons évidemment les réglementations européennes. Pour le moment, nous commençons à proposer des outils mais les perspectives sont très importantes. Nous pourrions aller jusqu’à la prescription de comportements, ce qui pourrait aussi poser un certain nombre de problèmes. Sylvie FONLUPT : Quel est le point de vue des patients ? Alexis VERVIALLE : Nous avons également des préoccupations sur les données personnelles, malgré le cadre fixé par le RGPD. Le numérique en santé réinterroge les droits des patients, qui ont été acquis au fil des années. Il impose des évolutions, notamment avec le développement des plateformes. Sylvie FONLUPT : Ethik-IA est une initiative à la fois citoyenne et académique. Vous proposez une troisième voie. Judith MEHL : Nous sommes partis de constats simples. Les données de santé doivent être utilisées, mais dans un cadre prédéfini. Au quotidien, nous fournissons beaucoup d’informations aux GAFA sans trop nous en soucier. Nous ne devons pas bloquer l’accès aux innovations en France mais nous appuyer sur des mécanismes de régulation. Des évolutions ont été introduites par la loi de bioéthique, notamment la garantie humaine. Sylvie FONLUPT : Celles-ci répondent-elles à vos préoccupations ? Jean-Paul ORTIZ : Le maintien de la garantie humaine est essentiel pour sauver notre éthique médicale et notre culture française. Nous ne pouvons pas nous comparer avec des pays comme la Chine. Sylvie FONLUPT : Le numérique n’a pas de frontière. Comment faire face à des plateformes mondiales ? Judith MEHL : Nous devons nous assurer que les innovations sont utilisées en adéquation avec nos règles. Sylvie FONLUPT : Les complémentaires peuvent-elles aider au développement d’outils ? Norbert NABET : Bien entendu. L’enjeu est de trouver un équilibre permettant de ne pas être dépendants des machines. Il est urgent de s’emparer du sujet et de trouver les meilleurs usages. L’objectif doit être de gagner en efficacité et non pas de se substituer à l’intervention humaine. Malheureusement, je crois que nous ne prenons pas encore toute la dimension de la révolution que constitue l’intelligence artificielle. Il ne faut pas faire n’importe quoi mais ne pas non plus être bloqués par nos peurs. Jean-Paul ORTIZ : Le monde évolue extrêmement vite. Il existe un certain nombre d’initiatives menées par des médecins et des industriels. Elles sont très intéressantes, car elles pourraient nous permettre de dépasser les freins actuels. Jean-Paul ORTIZ : Le monde évolue extrêmement vite. Il existe un certain nombre d’initiatives menées par des médecins et des industriels. Elles sont très intéressantes, car elles pourraient nous permettre de dépasser les freins actuels. Luis GODINHO : Il existe un enjeu très fort en termes d’explications auprès des patients. Alexis VERVIALLE : Les Français sont déjà perdus dans la complexité de leur système de santé, et le numérique en rajoute. Nous devons travailler pour faire évoluer certaines représentations. De la salle : Faut-il reconnaître un droit de propriété aux données de santé ? Alexis VERVIALLE : Nous sommes en cours de réflexion sur le sujet. Notre position n’est pas totalement tranchée. De la salle : N’est-ce pas paradoxal d’avoir peur des GAFA et d’utiliser des messageries non sécurisées ? Jean-Paul ORTIZ : L’enjeu est de se protéger contre l’utilisation globalisée qui pourrait être faite des données personnelles. Nous avons beaucoup de progrès à faire concernant les outils sécurisés. Il en existe mais ils ne sont pas simples d’utilisation ou peu déployés. Nous nous tournons donc vers les solutions qui sont privilégiées par chacun de nous au quotidien. << 4/8 : Article précédent Article suivant : 6/8 >>