Back to top

Participent aux échanges :

  • Mathilde LIGNOT LELOUP : Directrice de la Sécurité Sociale
  • Luis GODINHO : Président de l’UNSAF
  • Catherine MOJAISKY : Secrétaire générale du CNPS
  • Philippe VERMESCH : Président du SML
  • Norbert NABET : Directeur Général de l’ARS de Corse

La table ronde est animée par Sylvie FONTLUPT.

Sylvie FONLUPT :
La réforme du système de santé a été présentée le 18 septembre dernier à l’Élysée par le président Macron. Elle propose de fixer un cadre collectif destiné à adapter notre système de santé aux nouveaux enjeux.

Qu’est-ce que cette réforme va changer dans l’exercice des libéraux de santé ? Comment modifiera-t-elle l’organisation des soins ?

Mathilde LIGNOT LELOUP :
Les concertations ont duré plusieurs mois. Elles ont permis d’entendre l’ensemble des parties prenantes. Le président a présenté un projet de meilleure organisation, visant à rendre la prise en charge des patients plus efficace. Le cap qui nous a été fixé est clair : d’ici 2022, les professionnels de santé en ville ne devront plus exercer de manière isolée, mais de manière coordonnée.

Sylvie FONLUPT :
Nous avons déjà vécu de nombreuses réformes. En quoi celle-ci est-elle différente ? Quels sont ses atouts ?

Mathilde LIGNOT LELOUP :
Le cap est fixé, avec un horizon clair. Des outils seront mis en place dès l’année 2019. Il n’y aura pas d’un côté la ville et d’un autre côté l’hôpital. Le président de la République a souhaité que l’objectif de l’ONDAM pour 2019 soit relevé. Il en résultera un investissement supplémentaire de 400 millions d'euros qui permettra la mise en œuvre des nouvelles organisations (CPTS, assistants médicaux).

Sylvie FONLUPT :
Quelle part des investissements reviendra à la ville ?

Il n’y a pas la ville d’un côté et l’hôpital de l’autre. L’investissement supplémentaire n’est pas fléché de cette manière.

Sylvie FONLUPT :
Quelle place sera accordée à la concertation ?

Mathilde LIGNOT LELOUP :
Des ateliers de concertation avaient été organisés dans les régions et en national préalablement à l’annonce de la réforme. Cette méthode sera maintenue et amplifiée dans le cadre de la mise en œuvre concrète des 54 mesures du plan. L’ensemble des parties prenantes seront associées.

Sylvie FONLUPT :
Cette réforme s’inscrit dans la continuité du reste à charge 0 annoncé par le président de la République durant sa campagne électorale. Comment cela se passe-t-il concrètement dans le secteur de l’audioprothèse ?

Luis GODINHO :
Cela a été difficile, mais nous avons conclu un bon accord. Nous échangeons même de mieux en mieux. Pour autant, le travail n’est pas terminé. Certains points nous inquiètent. Nous ne pouvons pas accepter de contraintes supplémentaires, et notamment pas le tarif forfaitaire d’autorité dont il est actuellement question dans le cadre du PLFSS.

Mathilde LIGNOT LELOUP :
Nous respectons pleinement le protocole d’accord que nous avons conclu au mois de juin. La disposition à laquelle vous avez fait référence vise à différencier le tarif de remboursement de l’Assurance maladie dans le cadre de l’offre 100 % santé de l’optique.

Catherine MOJAISKY :
Du côté des chirurgiens-dentistes, le processus a été complètement différent. Nous sommes passés par une négociation conventionnelle. Cela n’a pas été simple, mais nous sommes parvenus à un accord qui présente l’avantage de ne pas porter que sur le RAC 0. Nous espérons maintenant que le calendrier prévu dans le cadre de cet accord sera respecté, en dépit des demandes de l’UNOCAM.

Mathilde LIGNOT LELOUP :
Le reste à charge 0 entrera bien en vigueur au 1er janvier 2020 pour le dentaire et l’optique, et un an plus tard pour les prothèses auditives, dont le reste à charge baissera de manière significative dès 2019. Les complémentaires respecteront ces échéances.

Sylvie FONTLUPT :
La création de postes d’assistants médicaux est un point fort de la réforme. Comment les médecins libéraux l’accueillent-ils ?

Philippe VERMESCH :
Cette mesure nous permettra de gagner du temps médical, de recevoir plus de patients et de travailler dans un meilleur confort. L’ancienne génération de médecins, qui sont souvent seuls dans leur cabinet, aura peut-être un peu de mal à s’adapter.

Sylvie FONTLUPT :
Comment cette mesure sera-t-elle mise en œuvre ?

Mathilde LIGNOT LELOUP :
Les assistants médicaux accompagneront l’incitation au regroupement des médecins et permettront de dégager du temps médical. Il nous faut maintenant affiner les paramètres et définir de manière plus précise le profil et les missions des assistants médicaux.

Sylvie FONTLUPT :
Quelle voie pensez-vous employer pour le financement ?

Mathilde LIGNOT LELOUP :
Attachons-nous d’abord à définir le profil de ce métier. Nous visons 4 000 assistants médicaux d’ici 2022. La prise en charge sera donc assez rapide. Elle commencera en 2019.

Sylvie FONTLUPT :
Comment accueillez-vous la réforme des études médicales ?

Catherine MOJAISKY :
La suppression du numerus clausus est un effet d’annonce. Il nous faudra bien continuer à sélectionner, mais à quel stade ? Dans certains pays, elle se fait à l’entrée dans les études. Les personnes inscrites en PACES cette année ont vraiment l’impression d’être les dindons de la farce.

D’autres points méritent des clarifications. Ainsi, il ne faudrait pas que cette réforme encourage la création de facs privées. S'agissant de l’installation de praticiens étrangers en France, il faut rappeler que toutes les facs européennes ne présentent pas des formations de même niveau.

Philippe VERMESCH :
Je n’aimerais que, d’ici quelques années, nous nous retrouvions avec pléthore de médecins.

Sylvie FONTLUPT :
Comment avez-vous anticipé ces différents sujets ?

Mathilde LIGNOT LELOUP :
Toutes ces interrogations sont pertinentes. Le mode de fonctionnement actuel des études de médecine n’est pas satisfaisant, d’où cette réflexion sur leur refonte. Bien évidemment, la suppression du numerus clausus ne signifie pas absence de sélection.

Sylvie FONTLUPT :
Les CPTS sont un autre point important de la réforme. Quelles recommandations avez-vous adressées au gouvernement ?

Norbert NABET :
La nécessité de structurer le premier recours est apparue comme une évidence. La concertation autour de la Stratégie de transformation du système de santé (STSS) a été dense et intense. Nous sommes restés sur un mode qui privilégie l’initiative de terrain pour constituer ces communautés professionnelles, dont il est essentiel qu’elles soient liées à l’hôpital. L’idée consiste à laisser la capacité aux professionnels de proposer des organisations, selon leur contexte local. Nous sommes obligés de respecter les dynamiques locales.

Sylvie FONTLUPT :
Les financements seront-ils fléchés en priorité vers les professionnels qui se seront regroupés ?

Norbert NABET :
Il s’agit de mesures incitatives. Nous avons besoin de ces structures. Je plaide donc pour que des incitations, voire des contraintes, existent.

Mathilde LIGNOT LELOUP :
D’ailleurs, le supplément d’investissement de l’année 2019 sera centré sur la structuration des soins de proximité en ville et à l’hôpital.

Philippe VERMESCH :
La CPTS présentera au moins l’avantage de permettre aux professionnels de se connaître et de se concerter. Pour autant, des questions restent posées. Comment sera organisée la gouvernance ? Comment les professionnels seront-ils rémunérés ? Je crains que des tensions très fortes n’apparaissent.

Norbert NABET :
Ce n’est pas cette mesure qui règlera le problème de la gouvernance, qui est très prégnant dans le monde médical. Nous essaierons de tirer parti des meilleures expériences territoriales pour les dupliquer. Nous avons la chance d’avoir un dispositif relativement souple à ce stade, qui se durcira probablement avec le temps.

Sylvie FONTLUPT :
La dépendance est un autre point central de la réforme. Dans ce cadre, la prévention est très importante.

Mathilde LIGNOT LELOUP :
La prévention fait clairement partie des enjeux de notre système de santé. Par exemple, la réforme 100 % santé pour les aides auditives est un moyen de prévenir la perte d’autonomie chez les personnes âgées.

Sylvie FONTLUPT :
Comment cette réforme s’articulera-t-elle avec le secteur conventionnel ? Comment définirez-vous les lignes d’arbitrage ?

Mathilde LIGNOT LELOUP :
In fine, le financement sera assuré par l’Assurance maladie. La question des circuits financiers se posera par la suite. Cette réforme repose sur l’engagement des professionnels de terrain. Ce n’est pas depuis Paris que les CPTS seront construites. Toutes les CPTS qui se créeront dans les 18 prochains mois bénéficieront d’un accompagnement financier sur la durée.

Catherine MOJAISKY :
Certains aspects de la réforme de l’ACS (aide à la complémentaire santé) nous inquiètent.

Mathilde LIGNOT LELOUP :
En fait, nous faisons deux choses : nous améliorons le panier de couverture des personnes et nous encadrons le coût de la complémentaire. L’ACS est destinée aux personnes qui sont en-deçà du seuil de pauvreté. Elles n’utilisent pas ce dispositif comme elles le pourraient.

De la salle :
Les médecins ont trop souvent tendance à s’approprier les CPTS. L’approche devrait être transversale. Une CPTS n’est pas la propriété du médecin. Il faut y prendre garde.

Philippe VERMESCH :
Tout dépendra des structures. Nous partons sur la base d’associations. Nous ne pouvons pas édicter de règle générale pour traiter ces sujets liés aux personnalités.

De la salle :
Quelle est la place des infirmiers libéraux dans cette réforme ? Nous avons vraiment l’impression d’être les grands oubliés.

Mathilde LIGNOT LELOUP :
La coordination des soins en ville se passe beaucoup autour du médecin, de l’infirmier et des autres professionnels de santé. Les infirmiers sont évidemment un acteur majeur. La réforme affiche des objectifs. Sa traduction concrète se fera sur le terrain, selon les réalités locales. Les CPTS ont vocation à associer des médecins et des infirmiers.

 

<< 1/6 : Article précédent

Article suivant : 3/6 >>