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La question de l’organisation des soins libéraux de proximité se pose dans le contexte d’une réflexion sur une stratégie nationale de santé. Le gouvernement évoque un recentrage du système de soins sur les soins de proximité, la médecine de parcours, un service public territorial de santé et fait de la lutte contre les déserts médicaux sa priorité. Une fois n’est pas coutume, la restructuration du système pourrait passer davantage par la ville que par l’hôpital. 

I)     Etat des lieux de l’offre ambulatoire de soins sur le territoire - Pr Gérard SALEM

Le problème des déserts médicaux est ici envisagé sous l’angle du lien entre dynamique territoriales et dynamiques sanitaires.

 

L’analyse des cartes de l’espérance de vie en France au 19ème siècle puis dans les années 70 et la région Île-de-France dans les années 2000 montre que la santé est à l’image des dynamiques territoriales. Entre 2004 et 2008, l’Île-de-France présente la meilleure espérance de vie mais les plus grandes inégalités de santé, à l’image de l’aménagement du territoire. On aurait tort de chercher des solutions médicales à des problèmes avant tout sociaux, économiques et environnementaux, comme le montre la réactivité des indicateurs de mortalité aux changements dans ces domaines.

 

A l’inverse, la santé est facteur de dynamique territoriale. La mauvaise santé présente un coût socio-territorial, le secteur de la santé a un poids économique et la santé joue sur l’attractivité du territoire. Il s’agit donc de repenser les liens entre aménagement du territoire et santé publique dans un contexte d’installation des médecins marqué par de nouvelles aspirations, de nouvelles pratiques médicales et une logique libérale, dans un contexte plus large de précarité urbaine et rurale et de renoncements aux soins.

 

Sur les soins, les indicateurs ne sont pas satisfaisants. L’analyse des taux comparatifs de mortalité prématurée évitable liée au système de soins montre que la probabilité d’un décès varie de 1 à 2,5 selon les régions et d’1 à 3 selon l’aire urbaine, sans qu’il n’existe de lien direct entre l’offre de soins et la mortalité évitable.

 

Trois pistes se dégagent alors :

  1. adapter l’offre aux besoins (âge, sexe, problèmes identifiés…) ;
  2. adapter l’offre aux déterminants de l’accès ;
  3. établir les liens entre soins, santé et territoires.

 

II)   Echanges

Claude RAMBAUD (CISS) souligne que les patients attendent avant tout de la fluidité dans le parcours des soins et une égalité devant la qualité des soins. Or la transparence à ce niveau reste discrète : l’accréditation reste pour l’instant fondée sur le volontariat, avec un financement réservé aux libéraux. L’efficience et l’humanisme, l’éducation à la santé et la prévention primaire sont d’autres grandes questions. Dans ce contexte, le CISS appelle de ses vœux le parcours de soins. De fait, une régulation est nécessaire pour assurer un accès aux soins acceptable pour tous. Sa mise en place doit s’accompagner d’indicateurs.  

 

Dans cette période de transition, Jérôme GUEDJ, Député de l’Essonne (PS) et Président du Conseil général de l'Essonne, témoigne d’une inquiétude et d’une demande de la population en matière de soins de proximité. Cette problématique est désormais appropriée par les élus locaux, car le système de soins de proximité impacte directement les politiques médico-sociales d’un conseil général. Pour les maladies chroniques et les ALD, le maintien à domicile est impossible sans un système de soins de proximité. Ces sujets doivent s’appréhender de manière coordonnée. Les contrats locaux de santé, la délégation de soins et de compétences et le décloisonnement des secteurs médicaux et sociaux font partie des pistes à explorer.

 

Jean-Pierre DOOR, Député du Loiret et Vice-Président de la Commission des Affaires Sociales, témoigne des difficultés rencontrés par le Loiret. Le Département est confronté à une désaffection pour la médecine générale et à des inégalités territoriales entre cantons. Pour y remédier, le conseil général soutient des contrats d’engagement de service public, qui consistent en l’octroi de bourses aux étudiants en médecine en contrepartie d’une installation sur le territoire. Il investit dans les maisons médicales de garde pluridisciplinaires, mais peine à recruter des médecins, faute notamment de lien entre anciens et nouveaux médecins. L’enjeu est de renforcer l’attractivité du territoire, tout en faisant œuvre de pédagogie auprès des la population.

 

Dans la perspective de la loi de santé publique, Jérôme GUEDJ préconise une mesure incitative voire coercitive sur l’installation des médecins, tandis que Jean-Pierre DOOR met en avant l’échec de la contrainte. La prochaine loi devrait s’attacher aux maladies chroniques, aux ALD et à la médecine préventive.

 

Philippe GAERTNER (FSPF) considère que les parcours de soins sont à placer au cœur des réflexions. Il souligne l’importance de la proximité et des territoires, dont les médecins libéraux sont les premiers acteurs. Le maintien à domicile des patients doit être l’objectif, ce qui implique de fluidifier le passage entre ville et hôpital, de faciliter le retour à domicile et d’améliorer la coordination entre ville et hôpital. Il faut permettre aux médecins libéraux d’assurer la coopération, pour mettre en œuvre dans un second temps des délégations. C’est un enjeu majeur. L’ARS doit quant à elle accorder une plus grande attention aux capacités de prise en charge des médecins libéraux.

 

Concernant le mode de réorganisation des soins libéraux, Patrick PERIGNON (FNO) insiste sur le fait que la loi ne suffit pas si les projets ne sont pas portés par les professionnels. Le système conventionnel, en revanche, fonctionne car il est porté par les organisations syndicales. Cette démarche doit être déclinée au niveau territorial. Les ARS, en créant des URPS, ont pris le problème à l’envers : il aurait fallu créer des structures interprofessionnelles considérées comme le premier interlocuteur des ARS.

 

Le Gouvernement a lancé début 2013 une réflexion sur l’élaboration d’une stratégie nationale de santé. Laurent GRATIEUX, responsable du Pôle Santé au Secrétariat Général des Ministères Sociaux, rappelle que l’objectif est d’améliorer l’accès aux soins et la prise en charge des personnes, dans une perspective de soutenabilité financière du système d’assurance-maladie. Pour ce faire, il convient notamment de renforcer la coopération interprofessionnelle autour des parcours de soins. Plusieurs leviers sont à mobiliser : modes de rémunération et tarification, formation initiale et continue, échanges d’information, coordination ville-hôpital-secteur médico-social…, en s’appuyant sur l’expérience du terrain. Les ARS ont désormais rendu leurs projets régionaux de santé (PRS). L’élaboration des premiers SROS ambulatoires a permis d’engager la concertation et d’identifier des actions positives dans les zones fragiles, à même de renforcer l’attractivité de ces dernières. Les contrats locaux de santé font partie des pistes intéressantes.

 

En conclusion, Didier TABUTEAU, Responsable de la Chaire de Santé de Sciences Po, souligne que la réforme du système doit répondre aux besoins de santé de la population tout en visant l’efficience. Pour ce faire, il est indispensable de se projeter dans un horizon de cinq à dix ans et de sortir des clivages (libéraux/hospitaliers, système administré/initiative professionnelle, loi/convention) pour sauver le système de soins, d’envisager toutes les pistes, en laissant les territoires développer leurs instruments. Une réflexion doit également être menée sur la place du médecin traitant à l’hôpital et sur la négociation des volets régionaux des conventions professionnelles par les ARS.  

 

Lors des échanges avec la salle, la question financière est posée avec acuité par les participants, de même que la nécessité de partir des territoires pour construire la réforme et de veiller à la pertinence des parcours de soins et des actes. D’autres témoignent de l’intérêt des professionnels de santé libéraux pour les territoires qui portent un projet de santé. Ces derniers ne sont pas non plus opposés aux forfaits, à condition qu’ils ne remettent pas en cause la rémunération à l’acte.

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